Bien assise dans la pièce qu’elle occupait en tant que sous-chef, Eun Sil regardait une pile de paperasse à faire. Son chef était définitivement un incompétent à ce niveau-là, peut-être ne voyait-il pas l’intérêt de faire ce genre de travail de bureaucratie alors qu’ils étaient dans un jeu vidéo. C’était pourtant plutôt nécessaire considérant qu’ils devaient faire fonctionner une guilde importante. Cela dit, plutôt que de le forcer, Eun Sil préférait s’occuper elle-même des choses à faire, c’était beaucoup plus simple et au moins comme ça elle était certaine que le tout serait fait. À quelque part, ça ne rendait pas la chose moins chiante, mais bon c’était le lot auquel elle avait droit. Elle s’était certes attendue à ce que le chef de la guilde en fasse une partie, mais puisque ce n’était pas le cas elle devait faire avec.
Elle aurait d’ailleurs continuer le côté bureaucratique de la chose pendant le reste de son après-midi, mais le destin semblait vouloir l’en empêcher puisqu’un jeune homme entra dans la pièce l’air un peu paniqué. Elle n’avait aucune idée pourquoi, mais forcément elle allait le savoir sous peu : « Il y a des membres de la guilde qui font un duel... » Arquant un sourcil Eun Sil le dévisagea pendant un moment. Et alors ? Elle se fichait bien de savoir qui faisait des duels avec qui, c’était même une de ses dernières priorités, du moment que personne ne risquait sa vie inutilement. Restant silencieuse en attendant des précisions, elle fut plutôt surprise par la suite de la nouvelle : « Ils ne font pas un duel en mode première attaque et ils se battent contre une autre guilde ! » Voilà qui changeait considérablement la donne, la demoiselle ne pouvait pas les laisser agir ainsi c’était vraiment contre les principes de base de la guilde et du bon sens. Ils risquaient de mourir stupidement.

Enfilant la cape de son uniforme et prenant son sabre, Eun Sil s’empressa de suivre le jeune membre de la guilde jusqu’à la place publique. Elle était plutôt découragée de devoir intervenir, mais ce n’était certainement pas une brillante idée de la part des duellistes que de chercher à provoquer une autre guilde. Il y avait certes une bonne chance que la guilde soit moins importante que celle des Chevaliers du Serment de Sang, mais ce n’était pas du tout une raison pour provoquer. C’était plutôt contre le principe de la chose puisqu’une alliance entre guildes était plus avantageuse pour tout le monde dans le but de vaincre le jeu. Un soupir traversa donc ses lèvres alors qu’elle arrivait sur la place où avait lieu le duel. Elle n’était pas certaine de pouvoir empêcher tous les duellistes de s’affronter, mais elle pourrait au moins insister pour que les forces de sa guilde se retire. C’était du moins ce qu’elle espérait pour le coup.

« Mais qu’est-ce que vous faites bande d’imbécile ? » Oui bon, elle ne semblait pas très sympathique et en général ce n’était pas son genre d’insulter les gens comme ça. Mais pour le coup, ils l’avaient mérité à ses yeux. Elle n’avait pas tellement de patience à la base, surtout quand il s’agissait de comportement où il était nécessaire qu’elle devienne un peu plus sérieuse. C’était important qu’elle montre que ce n’était pas le voeu de la guilde que de faire ce genre de chose. C’était une question d’apparence et de relations entre guilde, par conséquent ça importait plus que son comportement général. « Cessez immédiatement. » Les membres de l’autre guilde ne l’écouterait très certainement pas, mais bon, ce n’était pas à eux que c’était adressé. Elle s’occuperait de discuter avec le chef ou le sous-chef de la guilde des membres qui faisaient le duel.

Alors que Eun Sil cherchait le meilleur moyen d’arrêter ce duel débile, une voix s’éleva près d’elle, la faisant sursauter. C’était un jeune homme et il ne lui disait pas grand chose. Elle devait donc deviner qu’il ne faisait pas parti de sa guilde - certes le fait qu’il ne portait pas l’uniforme le lui montrait déjà. Puis vu de la façon dont il s’adressait aux gens, il fallait croire qu’il n’était pas n’importe qui. « Il n’a pas tord. » Elle s’adressait encore une fois aux membres de sa guilde, les seuls sur qui elle avait une réelle autorité quand bien même le nom de sa guilde lui permettait d’être tout de même écoutée par la majorité des gens. Enfin, ce n’était pas particulièrement important pour l’instant, il fallait surtout les forcer à arrêter, parce qu’ils n’avaient pas l’air décidé à le faire d’eux-mêmes malgré des directives qui se voulaient assez clair. « Mais l’honneur de la guilde... » Voilà une réponse bien décourageante de la part des combattants. C’était important, elle en était bien consciente, mais là ce ne l’était pas tellement alors ils étaient mieux de ne pas lui ressortir trop. Elle n’était pas certaine d’avoir la patience pour les écouter gentiment. « Je crois que te préoccuper de ta vie est plus important. » Si seulement ce n’était pas une condamnation à mort dans la vie que de mourir dans ce jeu, sinon elle l’aurait laissé faire ce qui lui plaisait, mais non c’était trop dangereux. « La prochaine fois, règle ça avec une attaque sans risquer de causer un mort de plus. » Après tout c’était une solution beaucoup plus efficace et moins dangereuse que d’opter pour ce type de duel. Mais bon il fallait croire que c’était trop complexe à imaginer pour eux.

Ce qui l’énervait le plus, c’était que la populace - ou même les membres qui avaient pris part à ce duel, ne serait surement pas satisfait de voir le duel s’arrêter ainsi. Elle devait donc s’assurer que ça se passait comme elle le voulait, de cette façon la guilde adverse ne pourrait pas reprocher aux Chevaliers du Serment de Sang de ne pas avoir agi convenablement. C’était aussi quelque chose à laquelle elle devait penser parce que très franchement, elle n’avait pas besoin d’incident avec d’autres guildes. « Puis je crois qu’un ordre de votre sous-chef devrait suffire à ce que vous arrêtiez immédiatement. » Le « je crois » était bien évidemment inutile considérant qu’elle mettait un point d’ordre sur le respect de la hiérarchie au sein de la guilde. À la limite un lieutenant pouvait avoir droit à des libertés, mais pas au point de causer des problèmes comme ça. Elle n’avait pas tellement envie de discuter davantage sur le sujet, elle voulait juste qu’ils partent tout de suite ou qu’ils se retirent un minimum.

D’ailleurs parlant de rang de sous-chef... peut-être que c’était le cas du jeune homme qui avait pris la parole. « Au fait vous êtes ? » demanda-t-elle en se tournant vers le jeune homme en question. Peut-être avait-elle raison et il serait le sous-chef de la guilde en question. Ça réglerait bien des problèmes puisqu’elle pourrait traiter directement avec lui. Certes elle devrait probablement se présenter avant, mais ce n’était pas tellement son genre. Elle le ferait tout de suite après, parce que bon c’était la politesse au minimum. Un soupir traversa ses lèvres alors qu’elle regardait la scène. Dire que pendant ce temps-là elle aurait pu s’entrainer ou continuer de s’occuper de la paperasse pour la guilde, bref quelque chose de plus utile que de régler des disputes et des duels complètement débiles.

La situation semblait retourner vers le calme ce qui calma considérablement la demoiselle. Ce n’était pas le genre de situation qui lui plaisait, d’abord parce qu’elle trouvait ce genre de chose plutôt stupide, mais qu’en plus elle n’aimait pas la pression que ça mettait sur tout le monde. Il fallait avouer qu’elle ne comprenait pas comment c’était possible que personne présent à la base n’avait pensé à empêcher le duel. Probablement que la réputation des Chevaliers du Serment de Sang avait nuit à la chose considérant que les gens voulaient probablement voir de quoi la guilde était capable. Vu le peu d’esprit dont les membres impliqués avait fait preuve, Eun Sil devait avoué être plutôt contente que le duel n’eut pas eu lieu. Après tout, en plus de causer une mort complètement inutile, ils auraient probablement fait honte à la guilde entière. Malgré le fait qu’elle trouvait que c’était une piètre excuse pour un duel, c’était une raison bien suffisante pour qu’elle soit bien en colère, une chose que les joueurs de la guilde ne recherchait pas vraiment.

Heureusement, la chance semblait être de son côté puisque - probablement plus grâce à l’autorité du jeune homme inconnu, tout le monde décida d’arrêter le duel. Un soupir de soulagement traversant ses lèvres, la demoiselle se retourna vers le type en question pour lui demander son identité. Elle ne s’était certes pas attendue à ce qu’on s’incline devant elle. Bien que courante dans sa propre guilde, elle n’avait pas l’habitude que quelqu’un de l’extérieur le fasse. Elle esquissa néanmoins un sourire, bien amusée en l’assurant rapidement : « Vous n’avez pas dérangé, au contraire je crois. » Parce qu’il fallait bien croire qu’il avait aider, puisqu’il était le seul à avoir intervenu avec véhémence en sa compagnie. La présentation suivit et elle fut à nouveau surprise, mais cette fois plus agréablement, en découvrant qu’il s’agissait du sous-chef de la guilde des Sleeping Knights. Oh, voilà qui facilitait les choses, du moins c’était ce qu’elle espérait, réellement
« Je suis Faith, sous-chef des Knights of the Blood Oath. » Si elle ne pouvait qu'acquiescer à ce qu’il avait dit, elle préférait de loin faire preuve de bonne manière et se présenter en bonne et due forme avant de faire quoi que ce soit. Elle pouvait en suite se positionner vis-à-vis ce qu’il avait dit : « Évidemment, il y a toujours mieux que de perdre sa vie stupidement comme l’un d’eux l’aurait fait. » Eun Sil ne voyait aucune raison de se montrer douce à leur égard, c’était une idée stupide et elle ne traiterait pas cela autrement.

Maintenant, malgré le fait qu’ils semblaient tous les deux du même avis, ils arrivaient au point le plus épineux de la chose. Ils étaient suffisamment haut-gradés pour régler le problème qu’un tel essai de duel pourrait causer dans les relations entre leurs guilde. Du moins, c’était l’avis de la demoiselle, le seul problème était que pour une des guildes les plus puissantes, s’excuser ne venait pas si facilement. Il fallait qu’elle fasse attention à ce qu’elle dirait. Litchis lui facilita alors la tâche en la devançant dans les excuses. Il était définitivement surprenant. « Je suis d’accord, mais je suis aussi plutôt certaine que mes subordonnés sont tout autant dans le tord. L’honneur de la guilde leur est très important, cela dit comme vous dites la mort est rarement la meilleure option. » Le fait qu’elle ait mis ses subordonnés dans le tord signifiait en quelque sorte une excuse et le jeune homme devrait probablement s’en contenter jusqu’à ce qu’elle sache exactement ce qui s’était passé. « Au minimum ils auraient pu faire un simple duel sans risque. Il faudrait découvrir ce qui s’est passé. » Elle fit signe aux membres de sa guilde d’avancer, après tout, elle n’allait pas sauter aux conclusions outre que celle qu’ils étaient un brin stupide.

Eun Sil était oh combien contente de voir que le jeune homme n’était pas un désillusionné. Ça aurait très bien pu être le cas, il y avait bel et bien certaines guildes qui prétendaient au titre de première guilde. Comme quoi les Chevaliers n’étaient pas forcément les meilleures. Une théorie qui ne dérangerait pas particulièrement la demoiselle, si seulement ça n’impliquait pas que certains d’entre eux faisaient exprès de tenir tête et de provoquer les membres de la guilde. Elle ne croyait pas particulièrement à la supériorité de la guilde au niveau théorique, dans le sens qu’elle n’avait aucune envie de dominer les autres, cela dit, ils restaient dans les plus puissants dans le jeu. Enfin, là ne semblait pas être la question pour l’instant puisqu’elle avait à faire avec quelqu’un qui avait suffisamment de bon sens. La preuve, ils étaient tous les deux d’accord pour entendre le fond de l’histoire. Il valait mieux de voir de quoi il en retournait. « Ce serait même complètement nuisible pour nos deux guildes. » Voilà qui les mettait complètement d’accord. Ce que Litchis dit alors la fit sourire, rien à se reprocher ? Les membres impliqués partaient déjà un peu perdants considérant que les deux sous-chefs leur reprochaient leur duel, mais bon, qui sait, ils avaient peut-être une raison potable.

Une discussion était donc de mise, mais il fallait maintenant trouver un endroit pour en parler. Encore une fois tous semblaient d’accord, mais il fallait dire que c’était une nécessité considérant le fait qu’il y avait beaucoup trop d’oreilles indiscrètes. Eun Sil s’était souvent fait dire qu’il ne fallait jamais laver son linge sale en publique. Elle y croyait surtout quand ça traitait des affaires de sa guilde. Ce n’était pas quelque chose qui devrait être discuté devant publique. Elle n’avait pas besoin que ça cause un bruit dans le jeu. L’image de la guilde était, malgré tout, très importante. « C’est une bonne idée l’auberge. » Après tout, c’était hors de question que tous les gens qui s’étaient rapprochés viennent écouter la conversation. Ils étaient pires que des mouches, pire que des vautours en fait ! Un soupir traversa ses lèvres alors qu’elle regardait autour d’elle. « Nous aurions besoin d’un peu de calme, on reviendra vous parler de ce qui se passe. » Oui bon, elle ne croyait pas réellement que ça allait fonctionner, mais c’était une tentative comme une autre. Elle se croyait pratiquement en conférence de presse... sans la presse et seulement avec le public, mais bon.

Après un autre soupir, Eun Sil se dirigea vers l’auberge. Le propriétaire accepterait surement de leur laisser une chambre pour qu’ils puissent discuter en paix. En entrant, elle soupira légèrement en voyant les regards se tourner vers eux. Non, ils n’avaient pas besoin de ça. « Nous voudrions une chambre, la plus en retrait possible en fait. » Voilà une demande qu’ils ne recevaient surement pas si souvent, mais l’aubergiste accéda à la demande en les conduisants jusqu’à une chambre en retrait. Retenant un énième soupir, elle se tourna vers son garde du corps, qu’elle n’avait d’ailleurs pas remarqué avant qu’elle entre dans l’auberge, une supposée nécessité qu’elle trouvait inutile. Au moins, pour le coup, c’était presque utile : « Assure toi que personne ne s’approche suffisamment pour écouter aux portes. » Il ne semblait pas être si content de ne pas pouvoir faire son boulot convenablement en entrant pour la protéger, mais il était plus utile de cette façon.

Enfin la question n’était même plus là, si bien qu’Eun Sil lui adressa un sourire avant d’entrer dans la chambre. Maintenant, ils en venaient à la partie difficile de la chose : « Bon allez-y, expliquez nous ce qui s’est passé. » Peut-être qu’ils se montreraient convainquants en fait.

La foule autour d’eux était tout simplement gênante. Il fallait croire que c’était si intéressant que ça. Bon, après, malheureusement pour eux, ils n’auraient pas vraiment droit aux détails croustillants. Le sous-chef de l’autre guilde ayant proposé une bonne idée de solution, Eun Sil n’allait pas attendre de se faire prier pour l’appliquer. C’était beaucoup plus simple s’ils limitaient le nombre de gens qui pouvaient entendre les discussions. Évidemment, elle ne doutait pas qu’elle aurait à faire du travail de foule pour assurer à tout le monde qu’il n’y avait rien de grave qui s’était passé. Le problème, c’est qu’elle ne pouvait pas être certaine qu’elle allait pouvoir affirmer une telle chose. Après tout même si Litchis, celui avec qui elle comptait traiter, semblait de bonne foi et du genre avec une tête sur les épaules, rien ne pouvait lui assurer que ça allait bien se passer. Si les membres des Chevaliers du Serment de Sang étaient réellement fautifs, il faudrait qu’elle agisse d’une certaine manière et le problème résidait que, malgré tout, la guilde ne pouvait pas plier facilement pour tout et pour rien. Ça semblait débile aux yeux de la demoiselle par moment, mais c’était ainsi.

Alors qu’elle était tranquillement assise, elle fut devancée par l’autre sous-chef qui intima alors un de ses subordonnés à prendre la parole. Évidemment, par respect ou par flemme, la demoiselle garda le silence, laissant ainsi Litchis traiter avec ceux qu’il connaissait. Elle en ferait de même par la suite, mais pour l’instant ça semblait être décidé que le dénommé Eldar ouvrirait le bal. « Ils… ils ont osé mettre en doute la puissance de Sleeping Knights… » Vraiment ? Eun Sil dut retenir toute réaction ne faisant que fixer Eldar. Elle ne pouvait pas croire qu’ils avaient été débile au point de réagir à une remise en doute, de même qu’elle n’arrivait pas à croire que ses propres subordonnés aient pu faire quelque chose d’aussi stupide. Cela dit, elle ne dit rien et à vrai dire, elle ne pouvait rien dire. Elle ne voulait surtout pas jeter de l’huile sur le feu et elle ne pouvait donc que reprocher à ses propres subordonnés leur comportement. Son silence fut l’inverse de Litchis puisque ce dernier prit la parole disant, somme toute, ce qu’elle aurait dit si elle avait été celle qui aurait du intervenir.

Cela dit, ça ne pouvait pas s’arrêter là il y avait d’autres personnes qui devaient des explications. « Bon Miz, c’est à ton tour de fournir des explications. » Oui bon, elle ne voulait pas ajouter aux reproches que Litchis avait déjà fait alors au moins, elle pouvait voir si le blâme était à partager. « Il y a eu une petite bousculade entre ce type et Ion, on leur a fait savoir que quelqu’un de leur petite guilde ne devrait pas provoquer les meilleurs comme ça. » C’était de plus en plus ridicule. Que les membres des Sleeping Knights aient voulu défendre la puissance de leur guilde était compréhensible, bien qu’inutile aux yeux de la demoiselle. « C’est ridicule, il n’y a pas de ‘petites guildes’ et vous n’êtes pas les meilleurs. Notre guilde est probablement plus puissante, certes, mais ça ne vous donne pas le droit d’agir comme si vous étiez des rois ou insulter des gens. » Vraiment, elle avait l’impression de traiter avec des imbéciles. « Et à la base, c’est une terrible idée de chercher à régler ça en causant au moins un mort. » Elle s’était elle-même conseillée de ne pas trop être dure pour garder une certaine image de la guilde, mais il y avait toujours une certaine limite et franchement, Eun Sil était surtout très déçue du comportement de ses subordonnés. « Si vous voulez être considérés comme les meilleurs, agissez comme tels. » Oui bon, ça s’adressait à tous les concernés, même si elle savait que ce n’était pas forcément sa place de le faire.